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adam bede.

Qu’ils l’envient, ceux qui viennent au déjeuner des noces et la voient suspendue à son bras avec son voile de dentelle et les fleurs d’oranger ! Quel cher objet, gracieux et flexible ! Son cœur doit être tout aussi doux, son caractère aussi privé d’angles, son humeur aussi facile ! Si quelque chose va jamais mal, ce sera bien certainement la faute du mari, car il en pourra faire ce qu’il voudra, bien sûrement. Et l’amoureux pense la même chose, le petit bijou chéri l’aime tant ; ses petites vanités sont si captivantes ! il serait bien fâché qu’elle fût un peu plus sage ; ses regards et mouvements de petite chatte sont précisément ce qui fait le paradis sur la terre. Tout homme, en semblables circonstances, se croit sûr d’être un grand physionomiste. La nature, à ce qu’il dit, a un langage à elle, qu’elle emploie avec la plus stricte vérité, et il se considère comme très-versé dans ce langage. Celte nature a écrit pour lui le caractère de sa fiancée dans ces lignes exquises de la joue, des lèvres et du menton, dans ces paupières délicates comme des pétales, dans ces longs cils recourbés comme les étamines d’une fleur, dans la profondeur limpide de ces yeux étonnants. Comme elle adorera ses enfants ! Elle est presqu’une enfant elle-même, et les petites créatures l’entoureront, comme les boutons d’une rose. Le mari regardera ce tableau en souriant avec bienveillance, libre, quand il le voudra, de se retirer dans le sanctuaire de sa sagesse, vers lequel sa douce épouse dirigera des regards respectueux, sans jamais en soulever le rideau. C’est un mariage comme ceux de l’âge d’or, où les hommes étaient tous sages et majestueux, et les femmes toutes charmantes et aimantes.

C’était, à peu près de cette manière que notre ami Adam Bede pensait au sujet d’Hetty ; seulement il le faisait avec un autre langage. Si elle le traitait quelquefois avec une froide vanité, il se disait : « C’est seulement parce qu’elle ne m’aime pas assez ; » et il était assuré que son amour, quand