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adam bede.

« Petit oiseau peureux ! petite rose en pleurs ! innocent bijou ! Vous ne pleurerez plus, à présent que je suis avec vous, n’est-ce pas ? »

Il ne sait pas le moins du monde ce qu’il dit. Ce n’est pas là ce qu’il voulait dire. Son bras a de nouveau entouré la taille et son étreinte se resserre ; son visage se rapproche de plus en plus de la joue arrondie, ses lèvres rencontrent ces lèvres enfantines, et pendant un long moment le temps s’est arrêté. Eût-il été un berger d’Arcadie ou le premier jeune homme donnant un baiser à la première jeune fille, ou Éros lui-même, buvant aux lèvres de Psyché, il n’eût pas été plus heureux.

Pendant quelques minutes il n’y eut pas une parole. Ils avancèrent le cœur palpitant jusqu’à ce qu’ils fussent en vue de la porte qui fermait l’extrémité du bois. Alors ils se regardèrent, mais ce n’était plus comme ils l’avaient fait auparavant ; dans leurs yeux était le souvenir d’un baiser.

Mais déjà quelque amertume commençait à se mêler à cette source de douce joie : Arthur sentait du malaise. Il retira son bras de la taille d’Hetty et lui dit :

« Nous voici presqu’au bout de la forêt. Quelle heure peut-il être ? ajouta-t-il en tirant sa montre. Huit heures et vingt, mais ma montre avance. Cependant il vaut mieux que je n’aille pas plus loin maintenant. Allez vite de votre pied léger, et arrivez en sûreté à la maison. Adieu. »

Il lui prit la main et la regarda presque avec tristesse et un sourire forcé. Les yeux d’Hetty paraissaient le supplier de ne pas encore s’en aller ; il lui caressa la joue en lui redisant adieu. Elle fut obligée de le quitter et de suivre son chemin.

Arthur s’élança en arrière au travers du bois, comme s’il voulait mettre un grand espace entre lui et Hetty. Il ne voulait pas retourner à l’Ermitage ; il se rappelait la discussion qu’il y avait eue avec lui-même avant diner, et tout cela