Page:George Eliot Adam Bede Tome 1 1861.djvu/186

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
170
adam bede.

du tableau d’Hetty ; derrière se trouvait quelque chose de brillant et de nuageux, des jours qui ne devaient point être comme ceux de sa vie passée. Il lui semblait comme si elle avait été fiancée au dieu de quelque fleuve, qui pouvait une fois ou une autre l’introduire dans ses grottes merveilleuses, sous un ciel liquide. Comment savoir ce qui arriverait après cet étonnant commencement de bonheur ? Si une caisse pleine de dentelles, de satin et de bijoux ne lui serait point envoyée de quelque source inconnue ? Comment ne pas croire que son sort allait changer, et que le lendemain quelque joie encore plus enivrante lui serait apportée ? Hetty n’avait jamais lu un roman ; si elle l’eût essayé, je crois que les expressions en eussent été trop difficiles pour elle ; comment alors donner une forme à ses espérances ? Elles étaient aussi indéfinies que les parfums alanguissants du jardin du château, qui s’étaient répandus autour d’elle quand elle en sortait.

La voici à une barrière, celle qui s’ouvre vers le bois de pins. Elle entre dans le bois, où règne déjà le crépuscule, et à chaque pas qu’elle fait la crainte devient plus lourde à son cœur. S’il ne venait pas ! Oh ! qu’elle était terrible la pensée de ressortir de l’autre côté du bois, sur la route découverte, sans l’avoir vu ! Elle atteint le premier détour qui conduit à l’Ermitage en marchant lentement ; il ne s’y trouve point. Elle déteste le levraut qui traverse en courant le sentier ; elle déteste tout ce qui n’est pas ce qu’elle désire. Elle avance toujours, heureuse d’arriver près d’un détour du chemin, car peut-être il est de l’autre côté. Non. Elle va bientôt pleurer ; son cœur est si gonflé ! les larmes sont à ses yeux ; elle soupire, les coins de sa bouche tremblent et ses larmes coulent.

Elle ne sait pas qu’il y a encore un tournant conduisant à l’Ermitage, qu’elle en est tout près et qu’Arthur Donnithorne n’est qu’à quelques pas d’elle, plein d’une seule