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adam bede.

obliques du soleil brillaient au travers des minces et légers copeaux que l’actif rabot chassait devant lui, et faisaient ressortir le beau grain des panneaux de chêne dressés contre la muraille. Sur un tas de ces copeaux délicats, un chien de berger, au poil gris et rude, s’était fait un lit moelleux, et, couché, le museau entre les pattes de devant, relevait de temps en temps les paupières pour jeter un regard sur le plus grand des ouvriers, qui sculptait un écusson au centre d’un panneau de bois. C’était celui dont la belle voix de baryton, dominant le bruit du rabot et du marteau, chantait :

Réveille-toi, mon âme ; au sortir du sommeil,
Recommence ta tâche au lever du soleil ;
Secoue la paresse…

Ici, quelque mesure à prendre demandant une attention plus concentrée, la voix fit place à un léger sifflement ; mais elle reprit bientôt avec une nouvelle force :

Que la sincérité brille en tous tes discours ;
Que ta conscience comme un beau jour soit claire.

Une telle voix ne pouvait sortir que d’une large poitrine, et c’était celle d’un homme de prés de six pieds, à la charpente forte et bien musclée, avec les épaules si plates et la tête si bien posée, que, lorsqu’il se redressa pour examiner son travail à distance, il avait l’air d’un soldat au port d’arme. La manche de chemise remontée au-dessus du coude laissait voir un bras qui devait gagner le prix dans tous les concours de force ; cependant la main large et souple, terminée par des doigts effilés, paraissait experte aux ouvrages d’adresse. Par sa haute stature, Adam Bede était Saxon et justifiait son nom ; toutefois, le noir de jais de ses cheveux, qui contrastait avec son léger bonnet de