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adam bede.

ment tout le dialogue, afin de pouvoir le réciter avec succès dans la salle des domestiques.

Quand Arthur, après avoir déjeuné, monta à sa chambre de toilette, il était impossible que le débat qu’il avait eu avec lui-même au commencement de la journée ne se représentât pas à son esprit ; mais il ne put s’arrêter sur ce souvenir, il ne put se rappeler les sentiments et les réflexions qui l’avaient décidé à fuir, pas plus que de retrouver la senteur particulière de l’air qui l’avait rafraîchi lorsqu’il avait de bonne heure ouvert la fenêtre.

Le désir de voir Hetty était revenu comme un courant refoulé ; il était surpris lui-même de la force avec laquelle cette fantaisie triviale semblait s’emparer de lui ; et même il tremblait presque en brossant ses cheveux — bah ! c’était d’avoir monté en vrai casse-cou. C’était parce qu’il faisait une affaire sérieuse d’une niaiserie, en y pensant comme si elle avait quelque importance. Il s’amuserait à voir Hetty aujourd’hui, et chasserait le tout de son esprit. C’est tout à fait la faute d’Irwine. « Si Irwine n’avait rien dit, je n’aurais pas pensé à Hetty la moitié autant qu’à ma jument boiteuse. » D’ailleurs il voulait justement se reposer à l’Ermitage, où il irait finir Zeluco, du docteur Moore, avant le dîner. L’Ermitage se trouvait dans le bosquet des sapins, — le chemin qu’Hetty devait sûrement prendre en venant de la Grand’Ferme. Aussi rien n’était plus simple et plus naturel : la rencontre d’Hetty serait une pure conséquence de sa promenade, et n’en était point l’objet.

L’ombre d’Arthur glissait plus promptement au milieu des chênes robustes du parc qu’on aurait pu l’attendre d’un homme fatigué et pendant la chaleur de l’après-midi. Il était à peine quatre heures lorsqu’il s’arrêta devant la porte haute et étroite qui conduisait dans ce délicieux labyrinthe boisé qui bordait le parc et qu’on appelait le bosquet des Pins, non qu’il y en eût beaucoup, mais parce qu’il y en avait quel-