Page:George Eliot Adam Bede Tome 1 1861.djvu/170

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
154
adam bede.

avec les dents, et faire cinquante milles en marchant sans s’arrêter, tremble et passe du chaud au froid au seul regard d’une femme unique au milieu de tout le reste du monde. C’est un mystère dont nous ne pouvons nous rendre compte ; du reste, n’en est-il pas de même de la simple graine qui pousse ? »


CHAPITRE XII

dans le bois

Ce même jeudi matin, Arthur Donnithorne circulait dans son cabinet de toilette orné d’une tapisserie fanée, d’un vert olive, représentant la fille de Pharaon et ses suivantes. Son élégante tournure britannique était réfléchie par des miroirs de l’ancien temps ; et tandis que son valet de chambre attachait l’écharpe de soie noire sur son épaule, la discussion qu’il avait avec lui-même venait d’aboutir à une résolution pratique.

« J’ai le dessein d’aller à Eagledale pêcher pendant à peu près une semaine, dit-il à haute voix. Je vous prendrai avec moi, Pym, et je partirai ce matin ; ainsi soyez prêt à onze heures et demie. »

Le léger sifflement qui l’avait aidé à arriver à cette résolution se changea ici en un ténor éclatant, et le corridor qu’il parcourait rapidement résonna de son air favori de l’opéra du Mendiant : « Quand le cœur d’un homme est écrasé par les soucis. » Arthur trouvait sa décision de s’absenter très-héroïque, et se rendait aux écuries pour donner ses ordres. Son approbation personnelle lui était nécessaire, et il ne pouvait en jouir sans la mériter réellement ; il lui fallait la gagner par un sacrifice positif. Il n’avait jamais