Page:George Eliot Adam Bede Tome 1 1861.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
151
adam bede.

vous à qui il faut aussi peu qu’à ces fleurs de boules de neige qui ont vécu des jours et des jours, après que je les ai cueillies, rien qu’avec une goutte d’eau et un peu de lumière ; mais les gens qui ont faim feraient mieux de quitter un pays de famine. Cela ferait moins de bouches pour le même gâteau. Mais, continua-t-elle en regardant Adam, ne parle pas d’aller au Sud ou au Nord, et de laisser ton père et ta mère dans leur fosse pour t’en aller dans un pays dont ils ne connaissent rien. Je ne pourrais jamais rester tranquille dans ma tombe, si je ne te vois pas le dimanche sur le cimetière.

— Ne crains rien, mère, dit Adam ; si je n’avais pas pris le parti de rester ici, je serais loin depuis longtemps. »

Il avait fini de déjeuner et se leva en parlant.

« Que vas-tu faire ? demanda Lisbeth. Commencer le cercueil de ton père ?

— Non, mère, dit Adam ; nous allons porter le bois au village, pour qu’on le fasse là-bas.

— Non, mon fils, non ! s’écria Lisbeth d’un ton impatient et dolent ; tu ne laisseras pas faire le cercueil de ton père par un autre que toi-même. Qui le ferait aussi bien ? Et lui qui savait ce que c’est que de bon ouvrage, qui avait un fils qui est à la tête du village et de Treddleston aussi, par son habileté !

— Très-bien, mère ; si c’est ton désir, je ferai le cercueil ici ; mais je supposais que tu n’aimerais pas à entendre ce travail.

— Et pourquoi ne l’aimerais-je pas ? C’est une chose qu’il faut faire. Qu’est-ce que cela fait, que j’aime ou non ? Est-ce qu’il me reste à choisir dans ce monde autre chose que ce que je ne puis aimer ? Un morceau est aussi bon qu’un autre quand la bouche n’a plus de goût. Il faut que tu te mettes à ce travail avant tout autre, ce matin. Je ne voudrais pas que personne que toi mette la main à ce cercueil. »