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et que c’est un tourment pour elles de ne pouvoir le faire. Je ne puis m’empêcher de plaindre les chiens, quoique ce ne soit peut-être point nécessaire. Mais il se peut très-bien qu’il y ait en eux plus qu’ils ne peuvent nous faire comprendre, car nous ne pouvons nous-mêmes, avec toutes nos paroles, exprimer que la moitié de ce que nous sentons. »

Seth descendit alors et fut satisfait de trouver Adam conversant avec Dinah ; il désirait qu’il pût savoir combien elle valait mieux que toutes les autres femmes. Mais, après quelques mots de politesse, Adam l’emmena dans l’atelier pour se concerter au sujet du cercueil, et Dinah continua à nettoyer.

À six heures ils étaient tous à déjeuner avec Lisbeth, dans une cuisine rendue aussi propre qu’elle eût pu le faire elle-même. La fenêtre et la porte étaient ouvertes, et l’air du matin apportait les parfums mélangés du seringat, du thym et de l’églantier venant du petit jardin à côté de la chaumière. Dinah ne s’assit pas d’abord, mais s’occupa à servir les autres de soupe chaude et de rôties de pain d’avoine, qu’elle avait préparées à la manière habituelle, car elle avait demandé à Seth ce que sa mère leur servait à déjeuner. Lisbeth, contre son habitude, gardait le silence depuis qu’elle était descendue, ayant probablement besoin de quelque temps pour accommoder ses idées à un ordre de choses où elle se trouvait comme une dame n’ayant qu’à s’asseoir pour être servie. Ses nouvelles sensations paraissaient endormir le souvenir de son chagrin. Enfin, après avoir goûté au potage, elle rompit le silence :

« Vous auriez pu faire la soupe plus mal que ça, dit-elle à Dinah. Je puis en manger sans qu’elle me tourne l’estomac. Il n’y aurait pas de mal à ce qu’elle fût un peu plus épaisse, et j’y mets toujours une pointe de menthe ; mais comment l’auriez-vous su ? Les garçons ne trouveront probablement personne qui fasse leur soupe comme je la fais