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adam bede.

gers parcouraient la cuisine, accompagnés du mouvement de l’époussoir, faisant à peine autant de bruit que la brise légère qui chasse la feuille d’automne sur la poussière du sentier ; et, dans son trouble, Adam croyait voir un visage à fossettes, avec des sourires fripons et de grands yeux noirs regardant l’époussoir, une petite figure arrondie se baissant un peu pour en tenir le manche. Quelle folle pensée ! ce ne pouvait être Hettv. La seule manière de chasser une telle absurdité de son esprit est d’aller voir qui ça peut être, car son espérance ne fait qu’augmenter en restant là à écouter. Il pose donc la planche et s’approche de la porte de la cuisine.

« Comment vous portez-vous, Adam Bede ? dit Dinah de sa voix basse et calme, arrêtant son travail et fixant sur lui ses yeux doux et graves. J’espère que vous vous trouvez suffisamment reposé et fortifié pour supporter le fardeau et la chaleur de ce jour ? »

C’était rêver du soleil et se réveiller au clair de lune ! Adam avait vu Dinah plusieurs fois, mais toujours à la Grand’Ferme, où il n’avait pas la conscience très-claire de la présence d’une autre femme qu’Hetty, et, depuis deux ou trois jours seulement, il commençait à soupçonner Seth d’avoir de l’amour pour elle, en sorte que son attention n’avait point encore été dirigée de ce côté. Mais, dans ce moment, sa figure délicate, sa simple robe noire, son visage serein et pâle, le frappèrent avec toute la force d’une réalité contrastant avec une illusion récente. Au premier moment il ne fit point de réponse, mais la regarda avec ce coup d’œil concentré et examinateur qu’un homme porte sur un objet qui vient soudainement éveiller son intérêt. Dinah, pour la première fois de sa vie, éprouva un pénible embarras ; il y avait dans le sombre regard pénétrant de cet homme fort quelque chose de très-différent de la douceur et de la timidité de son frère Seth. Elle rougit légèrement