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adam bede.

« Tu peux bien parler de l’affliction comme d’une bonne chose, Seth, car elle te profite. On dirait, à te voir, que tu ne connais pas plus les soucis ou les embarras que lorsque tu étais un petit enfant éveillé dans son berceau. Car tu y restais toujours sans bouger avec les yeux ouverts, tandis qu’Adam ne pouvait rester tranquille une minute quand il était réveillé. Tu as toujours été comme un morceau de chair que rien ne peut meurtrir ; et quant à ça, ton pauvre père était justement la même chose. Mais vous avez les mêmes yeux aussi. (Ici Lisbeth se retourna vers Dinah.) Je suppose que c’est parce qu’il est méthodiste. Non pas que j’y trouve à redire, car vous n’êtes pas appelée à vous tourmenter, et pourtant vous avez l’air triste aussi. Eh bien, si les méthodistes aiment l’affliction, ils peuvent en jouir ; c’est dommage qu’ils ne puissent pas la prendre toute et en décharger ceux qui ne l’aiment pas. J’aurais pu leur en donner suffisamment, car, lorsque j’avais mon pauvre homme, je me tourmentais du matin au soir ; et maintenant qu’il est parti, je serais heureuse de repasser par les plus mauvais jours.

— Oui, dit Dinah évitant de contredire en rien les sentiments de Lisbeth, car sa confiance dans la direction divine, pour les moindres choses, se montrait toujours avec ce tact féminin et parfait qui découle d’une sympathie vive et agissante ; oui, je me rappelle aussi que lorsque ma pauvre chère tante mourut, je désirais entendre dans la nuit le son de sa mauvaise toux à la place du silence que laissait son départ. Mais maintenant, chère amie, prenez cette autre tasse de thé et mangez encore un peu.

— Comment ! dit Lisbeth en prenant la tasse et parlant d’un ton moins plaintif, est-ce que vous n’aviez alors ni père ni mère pour autant regretter votre tante ?

— Non, je n’ai jamais connu mon père ni ma mère ; ma tante m’a élevée depuis ma première enfance. Elle n’avait