car je connais vos fils, Adam et Seth ; je sais que vous n’avez pas de fille ; quand le ministre m’a dit combien la main de Dieu s’était appesantie sur vous, mon cœur s’est ému de compassion, et j’ai senti l’ordre de venir à vous pour vous servir de fille dans cette épreuve, si vous voulez me le permettre.
— Ah ! je sais qui vous êtes à présent ; vous êtes une méthodiste comme Seth ; il m’a parlé de vous, dit Lisbeth en s’agitant et sa violente douleur revenant prendre la place de l’étonnement. Vous tâcherez de me prouver que l’affliction est une bonne chose, comme il dit toujours. Vous ne pourrez pas rendre la blessure plus légère avec vos paroles. Vous ne me ferez jamais croire qu’il soit meilleur pour moi de n’avoir pas vu mon pauvre homme mourir dans son lit, puisqu’il devait mourir, et avoir le pasteur près de lui pour prier, et me voir assise à ses côtés, lui demandant d’oublier les mauvaises paroles que je pouvais lui avoir dites quelquefois quand j’étais fâchée ; pour lui donner un peu de bouillon aussi longtemps qu’il aurait pu avaler quelque chose. Mais, las ! mourir dans l’eau froide et tout près de nous, sans que nous le sussions, et moi qui dormais comme si je ne lui appartenais pas plus que s’il eût été quelque journalier errant, venant on ne sait d’où. »
Alors Lisbeth recommença à pleurer et à s’agiter ; mais Dinah lui dit :
« Oui, chère amie, votre affliction est grande. Ce serait un cœur dur celui qui dirait que votre malheur n’est pas lourd à porter. Dieu ne m’a pas envoyée vers vous pour alléger votre chagrin, mais pour pleurer avec vous, si vous y consentez. Si vous aviez la table dressée pour un repas et pour vous réjouir avec vos amis, vous trouveriez naturel de me laisser entrer, m’asseoir avec vous, parce que vous penseriez au plaisir que j’aurais à prendre ma part de ces bonnes choses ; mais j’aime mieux partager votre affliction