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adam bede.

nah, pensant que cette pause était en elle-même un soulagement pour la femme affligée, ne dit rien de plus pour le moment, mais ôta tranquillement son chapeau. Elle imposa par signe silence à Seth, qui, en entendant sa voix, était entré avec battement de cœur, posa une main sur le dossier de la chaise de Lisbeth et se pencha sur elle, afin qu’elle s’aperçût de la présence d’une amie.

Lentement Lisbeth abaissa son tablier et ouvrit timidement ses yeux noirs voilés. Elle ne vit rien d’abord qu’un visage, un pur et pâle visage avec des yeux clairs et aimants, qui lui était tout à fait inconnu. Son étonnement s’accrut ; peut-être était-ce un ange. Mais, au même instant, Dinah avait de nouveau posé sa main sur celle de Lisbeth et la vieille femme jeta les yeux dessus. C’était une main beaucoup plus petite que la sienne, ni blanche ni délicate, car Dinah n’avait de sa vie porté de gants, et sa main offrait les traces du travail depuis l’enfance jusqu’à ce jour. Lisbeth regarda attentivement cette main un moment, et alors, fixant de nouveau ses regards sur le visage de Dinah, dit avec un léger retour de courage, mais avec le ton de la surprise :

« Mais vous êtes une femme qui travaille ?

— Oui, je suis Dinah Morris, et je travaille à une filature quand je suis chez moi.

— Ah ! dit Lisbeth avec calme, mais encore étonnée ; vous êtes entrée si légèrement, comme une ombre sur le mur, et quand vous avez parlé à mon oreille, j’ai pensé que vous étiez peut-être un esprit. Vous avez presque la figure de celui qui est assis sur une tombe dans la Bible neuve d’Adam.

— Je viens à présent de la Grand’Ferme. Vous connaissez madame Poyser, c’est ma tante ; elle a appris votre douloureuse affliction et en est bien peinée ; je viens voir si je puis vous être de quelque secours dans votre malheur,