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chagrin. Son front était plissé ; tous ses traits avaient l’expression de la fatigue et de la douleur. Gyp était évidemment inquiet, assis et appuyant son museau sur la jambe étendue de son maître, tantôt il léchait la main qui retombait négligemment et tantôt regardait d’un air alarmé du côté de la porte. Le pauvre chien était affamé et mal à l’aise, mais ne voulait pas quitter son maître ; il attendait impatiemment quelque changement de scène. Ce fut grâce à cette impatience de Gyp que le désir de Lisbeth, de ne pas réveiller son fils en entrant dans l’atelier, et, s’avançant vers lui avec le moindre bruit possible, fut aussitôt dérouté, car l’état de Gyp était trop excité pour s’exprimer autrement que par un vif aboiement, et à l’instant Adam ouvrit les yeux et vit sa mère debout devant lui. Cela ne différait pas beaucoup de son rêve, car son sommeil n’avait guère été qu’une répétition fiévreuse et délirante de tout ce qui était arrivé depuis le commencement du jour ; sa mère, avec sa douleur agitée, s’y trouvait partout présente. La principale différence entre la réalité et la vision est que dans son rêve Hetty se trouvait toujours devant lui, prenant étrangement part à des scènes où elle n’avait rien à faire. Elle se trouvait même vers le liant des Saules ; elle fâchait Lisbeth en venant dans la maison ; il la rencontrait avec ses habits pimpants tout à fait transpercée par la pluie, comme il se rendait à Treddleston pour avertir l’officier de la couronne. Mais où que parût Hetty, sa mère y arrivait aussitôt ; aussi, quand il ouvrit les yeux, il ne fut pas surpris de la voir devant lui.

« Ah ! mon pauvre garçon ! s’écria Lisbeth, revenant aussitôt à ses lamentations, car, dans une perte récente, on sent le besoin d’associer à sa perte et à ses plaintifs regrets tout incident ou changement de scène, tu n’as plus maintenant personne que ta vieille mère pour te tourmenter et être ton fardeau ; tou pauvre père ne te fera plus fâcher et