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adam bede.

mon vieux homme. On ne sait pas s’il ne désire pas m’avoir avec lui. »

Puis Lisbeth passa des paroles aux gémissements, se balançant en avant et en arrière sur sa chaise. Seth, toujours timide dans sa conduite envers sa mère, par la conviction qu’il n’avait aucun empire sur elle, comprit qu’il était inutile de chercher à la persuader ou à la calmer, jusqu’à ce que cet accès de désespoir fût passé ; aussi il se contenta d’entretenir le feu de l’arrière-cuisine et de plier les vêtements de son père, suspendus depuis le matin pour les sécher, craignant de circuler dans la chambre où était sa mère, de peur de l’irriter davantage.

Mais après s’être agitée et avoir gémi quelques minutes, Lisbeth s’arrêta tout à coup et se dit tout haut :

« Il faut que je voie où est Adam, car je ne comprends pas où il se tient, et il faut qu’il monte avec moi avant qu’il fasse sombre, car les minutes où nous pouvons voir le corps sont courtes comme la neige qui fond. »

Seth l’entendit, et, rentrant dans la cuisine comme sa mère se levait de sa chaise, lui dit :

« Adam dort dans l’atelier, mère. Tu ferais mieux de ne pas le réveiller. Il est épuisé par le travail et le chagrin.

— Le réveiller ? Qui est-ce qui irait le réveiller ? Je ne le réveillerai pas en le regardant. Je n’ai pas vu le garçon depuis deux heures. Je pourrais bien oublier qu’il ait jamais grandi, depuis que c’était l’enfant que son père portait. »

Adam était assis sur un banc grossier, la tête supportée par son bras, qui reposait sur le long établi au milieu de l’atelier. Il paraissait s’être assis pour un repos de quelques minutes et s’être profondément endormi sans abandonner sa première attitude de triste pensée et de fatigue. Son visage, qui n’avait pas été lavé depuis la veille, était pâle et moite ; ses cheveux tombaient en désordre autour de son front, et ses yeux fermés étaient gonflés par la veille et le