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rées de tout ce qui pourrait les attirer par une barrière de songes, par des appels invisibles et des bras impalpables.

Tandis que les mains d’Hetty empaquetaient le beurre et que sa tête se remplissait de ces espérances du lendemain, Arthur Donnithorne, à cheval à côté de M. Irwine, se dirigeant vers la vallée du liant des Saules, avait aussi certaines pensées anticipées et indistinctes, roulant comme un contre-courant dans son esprit, tandis qu’il écoutait ce que lui rapportait M. Irwine au sujet de Dinah ; pensées indistinctes, mais cependant assez fortes pour que la conscience intime en fût réveillée, quand M. Irwine lui dit tout à coup :

« Qu’est-ce qui vous a tellement fasciné dans la laiterie de madame Poyser, Arthur ? Êtes-vous devenu amateur de dalles humides et de fromages à la crème ? »

Arthur connaissait trop bien le Recteur pour supposer qu’une habile invention pût lui servir en rien ; aussi lui dit-il avec sa franchise habituelle :

« Non, j’y suis allé pour voir celle qui faisait le beurre, la jolie Hetty Sorrel. C’est une parfaite Hébé ; si j’étais artiste, je voudrais la peindre. Il est surprenant de voir d’aussi jolies figures parmi ces filles de fermiers, tandis que ces hommes sont de tels lourdauds. Ce visage commun, rond et rouge, tout en joues et sans traits, qu’on voit souvent, comme celui de Martin Poyser, devient chez les femmes de la même famille la plus charmante physionomie qu’on puisse imaginer.

— Bien, je ne fais aucune objection à ce que vous contempliez Hetty au point de vue artistique ; mais je ne vous permettrai point d’entretenir sa vanité et de remplir sa petite caboche de la croyance qu’elle est une beauté, séduisante pour de beaux gentilhommes ; car vous la gâteriez et la rendriez peu propre à devenir la femme de quelque pauvre homme, de l’honnête Craig, par exemple, que j’ai vu lui accorder de doux regards. La petite chatte a déjà assez