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que chose pour parfumer agréablement son mouchoir, comme celui de miss Lydia Donnithorne quand elle s’en servait à l’église, n’être pas obligée de se lever de bonne heure, et surtout n’être pas grondée. Elle pensait que si Adam devenait une fois assez riche pour lui donner tout cela elle l’aimerait suffisamment pour l’épouser.

Mais depuis quelques semaines Hetty se trouvait sous une nouvelle influence, vague, indéfinie, ne prenant la forme d’aucune espérance ou perspective positive, mais produisant l’effet d’un narcotique agréable, la faisant marcher et s’occuper de son travail comme dans une espèce de rêve, lui montrant toutes choses au travers d’un milieu doux et limpide, comme si elle ne vivait point dans un monde solide de pierre et de briques, mais dans un monde fantastique. Elle avait découvert que M. Arthur Donnithorne cherchait à la rencontrer ; qu’il se plaçait toujours à l’église de manière à la voir le plus complètement possible, qu’elle fut assise ou debout ; qu’il trouvait constamment des raisons de faire visite à la Grand’Ferme, et tâchait toujours de dire quelque chose qui l’amenât à lui parler ou le regarder. La pauvre enfant ne concevait pas plus alors la pensée que le jeune gentilhomme pût jamais l’épouser, que la jolie fille d’un boulanger, qu’un jeune empereur distingue dans une foule par un sourire, ne suppose qu’elle puisse un jour devenir impératrice. La fille du boulanger, rentrée chez elle, rêve du jeune et bel empereur et peut-être pèse à faux la farine tout en pensant quel lot céleste ce doit être que de l’avoir pour époux ; de même la pauvre Hettv voyait un visage qui l’accompagnait toujours, éveillée ou dans son sommeil. Des regards brillants et doux l’avaient pénétrée et répandaient dans sa vie une étrange et heureuse langueur. Les yeux d’où étaient partis ces regards n’étaient pas, à beaucoup près, si beaux que ceux d’Adam, lorsqu’il la regardait quelquefois avec une tendresse triste et suppliante ; mais ils avaient