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adam bede.

dans cette glorieuse cuisine, à des distances bien observées d’un feu brillant.

Depuis deux ans, au moins, Hetty était habituée à entendre son oncle dire : « Adam Bede peut bien travailler comme ouvrier aujourd’hui, mais il sera maître un jour, aussi sûr que je suis sur cette chaise. Maître Burge a bien raison de le désirer pour associé et mari de sa fille, si ce qu’on dit est vrai ; la femme qui l’épousera fera une bonne affaire, que ce soit à Notre-Dame ou à la Saint-Michel, » remarque que madame Poyser accompagnait toujours de son approbation cordiale. « Ah ! disait-elle, c’est très-beau d’épouser un riche tout fait ; mais il se peut que ce soit aussi un prodigue tout fait ; et il ne sert pas beaucoup de remplir sa poche d’argent, si elle a un trou au coin. À quoi sert de s’asseoir dans un char à ressorts, si on a un sot pour conducteur ; il vous aura bientôt versé dans le fossé. J’ai toujours dit que je n’épouserais jamais un homme sans cervelle ; car à quoi sert à une femme d’avoir bonne tête, si elle est liée à un imbécile dont tout le monde se rit ? Elle ferait aussi bien de mettre de beaux habits pour s’asseoir à l’envers sur un âne. »

Ces expressions, quoique figurées, indiquent suffisamment les dispositions de madame Poyser à l’égard d’Adam, et quoique son mari et elle-même eussent pu voir la chose différemment si Hetty avait été leur propre fille, il était clair qu’ils auraient bien reçu une demande d’Adam pour une nièce sans fortune. En effet, qu’aurait pu être Hetty, qu’une servante ailleurs, si son oncle ne l’avait élevée et donnée comme aide intérieure à sa tante, dont la santé, depuis la naissance de Tottv, ne pouvait plus supporter de travail positif autre que la surveillance des domestiques et des enfants ? Mais Hetty n’avait jamais accordé à Adam d’encouragement réel. Même, dans les moments où elle avait le sentiment le plus profond de sa supériorité sur ses