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s’approcher d’elle. Jamais encore il ne lui avait parlé ou ne s’était trouvé en face d’elle, et sa première pensée, quand leurs yeux se rencontrèrent, fut : « Quelle heureuse expression de figure ! Oh ! si la bonne semence pouvait tomber sur ce terrain, comme elle y prospérerait » Cette impression agréable dut être mutuelle, car M. Irwine la salua avec une déférence bienveillante, comme si elle eût été une dame de distinction.

« Vous êtes seulement en visite dans ce voisinage, je crois ? furent ses premières paroles ; et il s’assit devant elle.

— Oui, monsieur, je viens de Snowfield dans le Stonyshire. Ma tante a eu la bonté de m’engager à venir me reposer ici de mon travail et rester quelque temps avec elle, parce que j’ai été malade.

— Ah ! je me rappelle très-bien Snowfield ; j’y ai passé une fois. C’est un endroit triste et nu. On y bâtissait une filature alors ; mais il y a plusieurs années de cela ; je suppose que l’endroit est bien changé par le travail que cette fabrique y aura apporté.

— Il l’est en ce que la filature y donne de l’ouvrage qui fait vivre les familles, et qu’elle en fait une meilleure place pour les commerçants. J’y travaille moi-même et j’en suis reconnaissante, car j’y gagne de quoi économiser. Mais ce n’en est pas moins toujours un pays triste, comme vous le dites, monsieur, bien différent de celui-ci.

— Vous y avez probablement des parents, puisque vous y fixez votre demeure ?

— J’y avais une tante qui m’a élevée, car je suis orpheline. Mais elle a été retirée, il y a sept ans, et je n’ai pas d’autres parents à ma connaissance que madame Poyser, qui est très-bonne pour moi. Elle voudrait que je vinsse vivre dans ce pays, où la terre est généreuse et le pain abondant. Mais je ne suis pas libre de quitter Snowfield, où j’ai toujours vécu et auquel je me suis attachée.