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Hetty, parfaitement maîtresse d’elle-même, balançait et modelait sa livre de beurre d’un air coquet et fin, sûre qu’aucun de ses mouvements de tête n’était perdu.

Il y a beaucoup de genres de beauté féminine causant chez les hommes différentes sortes de folies qui se manifestent d’une manière variée depuis le désespoir jusqu’à l’idiotisme ; mais il y en a un genre qui semble fait pour tourner la tête, non-seulement des hommes, mais de tous les mammifères intelligents, même des femmes. C’est une beauté comme celle des petits chats ou des très-jeunes canards au fin duvet, faisant un doux caquetage, ou celle des petits enfants qui commencent à marcher et à essayer de faire des malices. C’est un genre de beauté contre laquelle vous ne pouvez ressentir de colère, mais que vous vous sentez prêt à écraser pour son inaptitude à comprendre l’état d’esprit où elle vous jette. C’était le genre de beauté d’Hetty Sorrel. Sa tante, madame Poyser, qui faisait profession de mépriser tous les charmes personnels et voulait être le mentor le plus sévère, admirait constamment à la dérobée les grâces d’Hetty, fascinée en dépit d’elle-même. Et, après lui avoir administré une de ces réprimandes découlant naturellement de son vif désir de bien faire pour la nièce de son mari, pauvre fille qui n’avait pas de mère pour la gronder, elle confessait souvent à M. Poyser, quand elle était sûre qu’on ne pouvait l’entendre, qu’elle voyait vraiment que plus la petite drôlesse était maligne, et plus elle paraissait jolie.

Il est inutile que je vous dise que les joues d’Hetty étaient comme des feuilles de rose, que les fossettes jouaient autour de ses lèvres mutines, que ses grands yeux noirs cachaient une douce malice sous leurs longs cils, et que ses cheveux, quoique repoussés en arrière sous son bonnet rond pendant qu’elle travaillait, s’échappaient en délicates boucles noires sur son front et autour de ses oreilles d’un