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adam bede.

Poyser, que si j’allais me marier et m’établir je serais tenté de vous en faire sortir, de remonter à neuf cette vieille maison et de me faire moi-même fermier ?

— Oh ! monsieur, dit madame Poyser alarmée, cela ne vous conviendrait pas du tout. Être fermier, d’abord, c’est mettre de l’argent dans sa poche de la main droite pour l’en sortir de la main gauche. Autant que je puis voir, c’est produire des vivres pour les autres et n’en tirer qu’une bouchée pour soi et ses enfants. Non pas que vous fussiez comme un pauvre homme qui a besoin de gagner son pain ; vous seriez à même de perdre autant d’argent que cela vous plairait en faisant le fermier. Mais c’est un pauvre amusement que de perdre de l’argent je crois, quoique j’aie ouï dire que c’est à cela que jouent les plus grands seigneurs à Londres. Car mon mari a entendu raconter au marché que le fils aîné de lord Darcey a perdu des mille et des mille livres contre le prince de Galles, et on dit que milady a dû mettre en gage ses bijoux pour les payer. Mais vous savez cela mieux que moi. Quant à être fermier, monsieur, je ne pense pas que vous puissiez vous accommoder de cette maison ; les courants d’air y soufflent assez pour vous transpercer, et, dans mon opinion, les planchers du haut sont pourris et les rats dans les caves dépassent ce qu’on peut imaginer.

— Vraiment c’est un terrible tableau, madame Poyser. Je crois que je vous rendrais service en vous faisant sortir d’un tel endroit. Mais il n’est pas probable que je m’établisse avant vingt ans d’ici. Et, en eussé-je quarante, mon grand-père ne consentirait jamais à se séparer de bons tenanciers comme vous.

— Bien, monsieur ; s’il a si bonne opinion de M. Poyser comme fermier, j’aimerais bien que vous pussiez lui glisser un mot pour qu’il nous accorde de nouvelles portes pour le clos Cinq, car mon mari l’a demandé et redemandé à en