je pourrais vous donner, filée par cette loucheuse de Kitty : c’était une habile fileuse, quoiqu’elle louchât et que les enfants ne pussent la souffrir. Vous savez, le filage ne s’arrête pas, et il y a du linge neuf de tissé deux fois plus vite que le vieux ne s’use. Mais à quoi bon tant causer, si on ne peut vous persuader de vous fixer comme une autre femme de bon sens, au lieu de vous épuiser à marcher et prêcher, et donner chaque sou que vous gagnez, de manière à n’avoir rien de côté pour la maladie. Je crois, en vérité, que tout ce que vous possédez au monde ne ferait pas un paquet deux fois plus gros qu’un fromage. Et tout ça, parce que vous vous êtes mis dans la tête bien d’autres idées sur la religion que ce qu’il y a dans le catéchisme et dans le livre de prières.
— Mais pas plus que dans la Bible, tante, dit Dinah.
— Oui, et dans la Bible aussi, quant à ça, ajouta madame Poyser un peu vivement ; autrement, pourquoi ceux qui savent le mieux ce qu’elle contient, — les ministres et les gens qui n’ont rien d’autre à faire qu’à l’étudier, — ne font-ils pas comme vous ? Mais, en parlant de ça, si tous faisaient de même que vous, le monde en viendrait à s’arrêter ; car si chacun essayait de se passer de maison et d’intérieur et se contentait de mal manger et mal boire, et parlait toujours de mépriser les choses d’ici-bas, comme vous dites, je voudrais bien savoir où les produits de la terre, et le blé et les meilleurs fromages frais s’en iraient ? Chacun rechercherait le pain de rebut et irait courir après un autre pour le prêcher, au lieu d’élever sa famille et de mettre quelque chose à part pour la mauvaise moisson. Il saute aux yeux que ce ne peut être là la vraie religion.
— Non, chère tante, vous ne m’avez jamais entendu dire que tous fussent appelés à abandonner leur travail et leur famille. Il est tout à fait bien que la terre soit labourée et ensemencée, le précieux blé récolté, que l’on s’occupe des