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rie, par une espèce de course frétillante. Son épaisseur de graisse sur la nuque la faisait ressembler à un petit cochon de lait.

L’empois essuyé avec l’aide de Molly et l’appareil de repassage mis de côté, madame Poyser prit son tricotage, toujours à sa portée ; c’était l’ouvrage qu’elle préférait, parce qu’elle pouvait le continuer machinalement en cheminant çà et là. Elle vint alors s’asseoir en face de Dinah, qu’elle regardait d’un air pensif, tout en tricotant son bas gris chiné.

« Vous êtes le portrait de votre tante Judith, Dinah, quand vous êtes assise à coudre. Je puis presque me reporter à trente ans en arrière, quand j’étais une petite fille à la maison et que je regardais Judith assise à coudre après qu’elle avait fini le travail du ménage. Seulement c’était une petite chaumière que celle de notre père, et non pas une maison comme celle-ci, si grande à parcourir qu’elle devient sale par un bout avant que vous ayez nettoyé l’autre. Malgré ça, je puis m’imaginer que vous êtes votre tante Judith ; seulement elle avait les cheveux un peu plus foncés et elle était plus forte et plus large d’épaules. Nous étions toujours collées l’une à l’autre, Judith et moi, quoiqu’elle eût de singulières manières ; mais elle n’a jamais pu s’accorder avec votre mère. Ah ! votre mère ne pensait guère qu’elle aurait une fille taillée sur le même patron que Judith, et qu’elle la laisserait orpheline pour que Judith en prit soin et l’élevât à la cuiller quand elle-même serait au cimetière de Stoniton. J’ai toujours dit de Judith qu’un jour ou l’autre elle porterait un poids d’une livre, pour éviter à quelqu’un d’autre d’en porter un d’une once. Elle a toujours été la même, aussi loin que je puis m’en souvenir ; elle n’a pas changé quand elle est venue au méthodisme, si ce n’est de parler un peu différemment et de porter une autre espèce de chapeau ; mais elle n’a jamais