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adam bede.

dînant et en réfléchissant aussi peu que si vous n’apparteniez à personne. Peigner la laine pour les selliers, vraiment ! Voilà ce que vous aimeriez à faire, n’est-ce pas ? Voilà de vos manières, voilà le chemin que vous voudriez toutes prendre pour aller à votre perte. Vous n’êtes jamais contente que vous n’ayez trouvé quelque amoureux aussi bête que vous ; vous croyez que vous serez bien établie, je pense, quand vous serez mariée et que vous aurez une chaise à trois pieds pour vous asseoir, point de couverture à vous mettre dessus, et pour votre dîner un morceau de pain d’avoine avec trois enfants pour se l’arracher.

— Bien sûr que je ne voulais pas aller avec les bourreliers, dit Molly d’un ton dolent et tout à fait saisie par ce tableau dantesque de son avenir ; seulement nous avions toujours coutume de peigner la laine pour eux chez maître Ottley, et c’est pour ça que je vous l’ai demandé. Je ne tiens pas à regarder un seul sellier, je veux bien ne jamais bouger si je le fais.

M. Ottley, vraiment ! C’est joli de venir parler de ce que vous faisiez chez M. Ottley. Votre maîtresse là-bas aime peut-être que les selliers viennent salir son plancher, que sais-je ? On ne peut savoir ce que ces gens pourraient ne pas aimer, à la manière dont on m’en a parlé. Je n’ai jamais vu dans ma maison une servante qui parût savoir ce que c’est que de nettoyer ; pour moi, je crois qu’il y a des gens qui vivent comme des porcs. Cette Bettv, qui était laitière chez Trent avant de venir chez moi, elle aurait laissé les fromages sans les retourner des semaines entières ; et les baquets de la laiterie ! j’aurais pu écrire mon nom dessus, quand je suis descendue après ma maladie, que le docteur a dit être une inflammation ; que c’est une grande grâce que j’en sois réchappée. Et penser que vous n’en savez pas davantage, Molly, après bientôt neuf mois que vous êtes ici, et que ce n’est pas faute de vous en avoir parlé