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adam bede.

L’histoire de la maison est toute simple maintenant. Ce fut une fois la résidence d’un gentilhomme campagnard, dont la famille, n’étant probablement plus représentée que par une demoiselle, s’est absorbée dans le nom plus seigneurial des Donnithorne dont elle a agrandi le domaine. Une fois ce fut le château ; à présent c’est la Grand’Ferme. Semblable à la vie de quelque ville maritime, naguère rendez-vous de bains et maintenant devenue port de mer, où les rues élégantes sont silencieuses et herbeuses, tandis que les quais et entrepôts de marchandises sont animés et bruyants. La vie au château a changé de centre ; elle ne rayonne plus du salon, mais de la cuisine et de la cour rurale. Ici se trouve l’activité, quoique ce soit le temps le plus chaud de l’année, tout près des fenaisons ; et c’est aussi le moment le plus assoupissant de la journée, car le cadran solaire montre plus de trois heures et c’est trois heures et demie à la belle pendule de madame Poyser, pendule qui ne se remonte que tous les huit jours. Il y a toujours un renouvellement de vie quand le soleil brille après l’orage. Et maintenant il prodigue ses rayons, faisant scintiller mille étincelles dans la paille mouillée, rendant plus lumineux les moindres brins de mousse sur les tuiles rouges de l’étable et changeant l’eau boueuse du canal en un miroir où les canards, sont heureux de se plonger et de prendre leurs ébats. C’est un concert véritable de bruits différents : le gros dogue, enchaîné vers l’étable, est furieux et exaspéré contre un coq venu trop près de sa cabane et aboie comme un tonnerre ; deux chiens renards, enfermés sous le hangar opposé, lui répondent ; les vieilles poules huppées, qui grattent avec leurs poussins dans la paille, accueillent de leur gloussement sympathique le coq déconfit ; une truie et sa portée, tous sales de jambes et frisés de queue, lancent quelques notes staccato ; nos amis les veaux brâment sous leur couvert, et, malgré ce bruit,