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panneaux de bois, et pour la porte, elle est, je crois, comme celle du portail ; on ne l’ouvre jamais. Qu’elle gémirait et raclerait sur les dalles si on essayait de le faire ! Car c’est une solide, lourde et belle porte, qui a dû jadis s’être ouverte ou fermée orgueilleusement derrière un laquais en livrée, lorsque les maîtres sortaient dans leur carrosse à deux chevaux.

Mais maintenant on pourrait croire que la maison est le sujet d’un procès en chancellerie et que les fruits de cette double rangée de noyers, à droite de l’enclos, vont tomber et pourrir dans l’herbe, si nous ne venions d’entendre de retentissants aboiements de chien répercutés par de grands bâtiments sur le second plan. Et voici que les veaux à demi sevrés, qui s’étaient abrités sous un hangar, appuyé contre le mur de gauche, en sortent et répondent sottement à cet aboiement terrible, supposant qu’il a pour cause l’apparition de baquets de lait.

Oui, cette maison doit être habitée et nous verrons par qui, car il est permis à l’imagination d’enfreindre les limites ; elle n’a pas peur des chiens et sait escalader les murs et lorgner par les fenêtres avec impunité. Mettez le nez à l’un des carreaux de verre de celle de droite ; que voyez-vous ? Une grande belle cheminée, avec des chenets rouillés et un plancher nu ; à l’extrémité des toisons de laine entassées ; au milieu, par terre, des sacs à blé vides. Voilà l’ameublement de la salle à manger. Et à travers la fenêtre à gauche ? Plusieurs harnais, une selle de femme, un rouet et une vieille boîte tout ouverte et regorgeant de lambeaux d’étoffe de couleur. Au bord de cette boîte s’étend une grande poupée de bois, laquelle, quant à la mutilation, offre une grande ressemblance avec les plus belles statues grecques, surtout par le nez totalement absent. Près de là une petite chaise et le manche de fouet à longue chasse d’un bouvier.