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introduction.

pourra paraître singulier dans le siècle éclairé où nous vivons, c’est de voir, dans quelques ouvrages du temps, ces lois, plus absurdes encore que cruelles, justifiées par de prétendues considérations considérations philosophiques. Il est aussi impossible de ne pas éprouver quelque surprise lorsqu’on voit Jean Riolan, l’un des hommes les plus distingués de son époque, établir, comme une nouveauté hardie, que l’on peut si dispenser de faire périr les sexdigitaires, les macrocéphales, les géants et les nains, et qu’il suffit de les reléguer loin de tous les regards[1]. Ainsi Riolan, en leur faisant grâce de la vie, les exile du moins de la société, n’osant pas se dérober entièrement au joug des préjugés et de la superstition qui pesaient sur ses contemporains.

Tels étaient l’esprit et les doctrines qui régnaient encore universellement au dix-septième siècle : telle était l’influence qui présidait alors aux observations et aux travaux sur la monstruosité. Les exemples que je viens d’indiquer suffisent sans doute pour donner une juste idée de cette époque et pour en exprimer le véritable caractère. Je crois inutile de puiser d’autres citations dans les anciens ouvrages, où les personnes qui se plaisent à ces recherches plus cu-


    les monstres. Plusieurs empereurs, entre autres Constantin, remirent en vigueur cette disposition d’une loi barbare, que les anciens Romains avaient empruntée aux Athéniens, et qu’ils appliquaient surtout avec une grande rigueur aux hermaphrodites.

  1. Quant aux monstres faits à l’image du diable, ajoute Riolan, il faut, si on les laisse vivre, les tenir constamment enfermés et cachés dans une chambre. Enfin il en est d’autres qui, moitié hommes et moitié animaux, font injure à la nature et au genre humain (naturæ et generi humano facit injuriam) : ceux-ci doivent être au plus tôt mis à mort. — Voyez, dans la dissertation De monstro nato Lutetiœ a. D. MDCV (Paris, 1605), le chapitre intitulé : An, Romanorum prœcepto, monstra interfici debeant ?