Page:Geoffroy Saint-Hilaire - Histoire générale et particulière des anomalies, Tome I, 1832.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
5
introduction.

quelles la plupart des anatomistes faisaient à peine attention, ou dont ils ne s’occupaient que pour donner du fait nouveau quelque explication ridicule ou bizarre, puisée dans les idées superstitieuses qui dominaient alors tous les esprits. En effet, pour les auteurs du dix-septième siècle, comme pour ceux des époques précédentes, les monstres sont des prodiges destinés à faire éclater la gloire de Dieu, ou des preuves de sa colère, présageant quelque calamité publique[1]. D’autres, en admettant ces deux classes de monstres, en ajoutent quelques autres dues à l’opération du démon, qui peut, disent-ils, faire paraître monstrueux un enfant bien conformé, et même produire de véritables accouchemens monstrueux, soit en substituant au véritable enfant un monstre apporté d’ailleurs, soit en faisant glisser dans la matrice des causes de monstruosité[2].

On ne s’étonnera pas que, dominés par de telles croyances, restes des superstitions du moyen âge, les auteurs du dix-septième siècle approuvent presque unanimement la barbarie des lois grecques et romaines qui condamnaient à mort les enfans affectés de monstruosité[3]. Mais, ce qui


    nature, et surtout dans l’Histoire et les Mémoire de l’ancienne Académie des sciences. On les trouvera toutes citées dans le cours de cet ouvrage.

  1. On se plaisait alors tellement dans ces idées, seule philosophie de la science de cette époque, que plusieurs auteurs se sont amusés à les exprimer en vers. Je citerai comme exemples deux de ces maximes ou aphorismes versifiés, mais bien peu poétiques :
    Portendit iram quodlibet monstrum Dei.
    Monstrum omne belli tempore extat crebrius.
  2. Voyez Fortuno Liceti, plus connu sous le nom de Licetus, Traité des monstres, pag. 251 et 252. Ce traité, publié pour la première fois en 1616, a été réimprimé avec des additions en 1634 et en 1665. Nous le citons ici et partout d’après la traduction française imprimée en Hollande en 1708.
  3. Les lois des douze tables ordonnaient à Rome la mort de tous