rivière, nous débouchons sur un grand cours d’eau de plus de 100 mètres de largeur. C’est le Ba-Mingui ou Bahr-El-Abiod, ou plutôt le Chari.
Depuis la veille, nous naviguions dans des régions vierges de tout passage d’Européens. Pas un être vivant sur les rives. Un silence majestueux régnait autour de nous, qui fut troublé seulement par les marques de joie que tous, Sénégalais et Européens, ne purent s’empêcher de témoigner.
Le Gribingui n’était donc qu’un affluent du Ba-Mingui, lequel formait bien réellement le cours supérieur du Chari. Nous avions atteint 8° 35’ en latitude.
Nous séjournons quelque temps au confluent des deux cours d’eau. J’en profitai pour mesurer la largeur du fleuve, qui était de plus de 180 mètres. Nous aurions bien voulu rester là quelque temps, mais nous étions sans vivres. On distribua ce jour-là une boite de sardines pour quatre hommes. Une tentative faite pour essayer de découvrir un village réussit, mais les indigènes effrayés s’enfuirent.
Je n’avais pas de temps à perdre pour essayer de les attirer, car les nouvelles que j’avais reçues me faisaient prévoir que le capitaine Casemajou, reprenant l’itinéraire de Monteil, devait être rendu au Tchad fin août, commencement de septembre.
Nous appareillons donc. Toujours même silence. Les rives élevées et rocheuses, très boisées, ne semblent être hantées que par des animaux sauvages. C’était un spectacle admirable et une sensation exquise que de voguer sur ce fleuve encore mystérieux. Cependant une réalité brutale nous gâtait une partie de notre plaisir : nous allions avoir à compter bientôt avec la faim et cela n’était pas sans nous causer de très vives appréhensions. Après avoir noté deux affluents importants[1], le 1er septembre, à 10 heures du matin, nous apercevons sur la rive gauche une plantation de mil. Nous nous approchons ; ceux qui la surveillent se sauvent d’abord, puis finissent par s’amadouer.
- ↑ Le Bangoran et le Ba Karé ou Aouauk.