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6° 36’ de latitude Nord. D’après l’itinéraire de Maistre, nous ne sommes pas loin de la rivière Kouma, qui se jetterait dans la Nana, laquelle aurait 30 mètres de largeur. Je veux m’en assurer dès le lendemain. Nous faisons une trentaine de kilomètres vers le Nord sans résultat aucun. Je commence à croire que Maistre s’est trompé et qu’il a identifié la Nana avec une autre rivière dont on nous signale l’existence dans le Nord-Ouest et qui s’appelle Nana-Bassa ou Vassa. Les indigènes deviennent plus craintifs. Personne ne veut nous accompagner plus loin. Je décide de revenir sur nos pas et de nous installer au confluent de la Nana et de la Gougou. On reconnaîtrait la rivière plus tard, et, si elle était saine, on y lancerait la coque du vapeur.

Nous étions au 21 septembre. Près de dix-huit mois déjà s’étaient écoulés depuis notre départ de France et nous étions à peine à pied d’œuvre…

Encore une fois, il fallait recommencer la fastidieuse installation d’un poste, constituer des convois de porteurs, refaire cinq et six fois la même route pour surveiller les convois.

Ah ! certes, ce fut bien là la partie la plus ingrate, la plus rebutante, la plus pénible de toute notre campagne. Jamais las, mes vaillants compagnons se prêtèrent sans murmurer à toutes les situations. Sans vivres européens ou à peu près, couchant à la belle étoile, sous la pluie battante ou sous un soleil de feu, ils se chargèrent de tous les convois, recrutant les porteurs, constituant les caravanes, veillant sur les charges. Ils durent parcourir cinq et six fois le même trajet… Ils avaient pour les soutenir la foi dans le succès, qui pas un instant ne nous abandonna. Une camaraderie complète ne contribuait pas peu à maintenir les bonnes dispositions de tous et si j’ai quelque part en moi-même un sentiment de satisfaction intime et profond, c’est non pas l’orgueil du succès qui le cause, mais la joie de me dire que si nous sommes arrivés à nos fins, c’est principalement à cette bonne entente entre nous que nous le devons. Nous étions donc au 21 septembre 1890. Huntzbüchler regagnait le