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sang, et tout en marchant, j’entretenais de loin la conversation par l’intermédiaire de mon interprète. Ayant enfin trouvé un terrain découvert pour nous y installer, nous reprîmes les transactions qui s’effectuèrent sans incident. Le lendemain nous repartons, toujours sans guide et toujours suivis par les G’Baggas, qui ayant rencontré un porteur retardataire se jetèrent sur lui et lui enlevèrent la caisse de perles qu’il portait, ainsi qu’un fusil à piston, sans lui faire de mal. Après quoi ils disparurent. Le soir seulement le porteur dévalisé me rendit compte du fait. Il était trop tard pour essayer de remettre la main sur les objets volés.

Sans aucun renseignement sur les habitants et sur les lieux, des représailles risquaient fort de tomber sur des innocents. Il n’y avait qu’à supporter l’affront et à attendre une meilleure occasion… Après tout étaient-ils si coupables ces primitifs, et la perte légère que nous avions subie valait-elle que le sang coulât ?… Je ne le pensai pas et, bien que ma mansuétude dût être considérée par nos voleurs comme un acte de faiblesse, je préférai cela à une facile opération de police qui eût fait de nous des meurtriers… Il y a souvent vis-à-vis de ces sauvages armés de lances ou de flèches plus de réel courage à attendre leur attaque de pied ferme, qu’à céder à un moment d’impatience et d’énervement et à commander un feu de salve dans des masses sans cohésion, sans discipline, qui disparaissent immédiatement en laissant derrière elles des morts et des blessés…

Une dernière journée de marche nous amena enfin, après avoir traversé des marais bourbeux, à une rivière d’une vingtaine de mètres de largeur. C’était la Tomi, deux fois traversée par Maistre. Nous nous disposâmes à camper et, pendant qu’on s’occupait à débrousser le terrain, un indigène d’une quarantaine d’années environ s’avança vers nous. Il me dit s’appeler Gano et connaître très bien les blancs qui étaient passés chez Azangouanda. Comme il ne paraissait pas très craintif, je lui annonçai mon désir de rester installé quelque temps dans le pays. Il me