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compte et il ne fallait pas espérer que les indigènes de la rivière en fourniraient. Les Banziris, Bourakkas ou Sangos, riverains du Haut Oubangui, sont avant tout pêcheurs et piroguiers. S’ils se risquent dans l’intérieur, c’est pour y échanger leur poisson fumé contre du manioc, qu’ils ne plantent pas, ou contre des cabris, des poules, voire même des chiens dont ils apprécient beaucoup la chair. Ils servent aussi depuis quelques années d’intermédiaires entre les commerçants européens et les indigènes de l’intérieur pour des achats d’ivoire. Ils désignent ces derniers sous le nom de N’dris ; c’est un terme de mépris voulant dire : homme de brousse. C’est cette appellation qui les a fait identifier par certains voyageurs avec des populations de la Sanga que l’on nomme N’derés (appellation tout aussi fausse d’ailleurs), et qui ne leur ressemblent en rien. Les Banziris, qui ne tenaient pas à porter, n’avaient pas non plus grand désir de nous voir entrer en rapports directs avec les soi-disants N’dris, car ils prévoyaient naturellement que leur courtage cesserait par cela même. Aussi quand, désespérant de trouver des porteurs à Ouadda, je me décidai à suivre l’itinéraire précédemment adopté par Dybowski et Maistre, c’est-à-dire la Kémo, j’eus relativement assez de peine à trouver les pagayeurs nécessaires. Heureusement que pendant le peu de temps que j’avais commandé la région, j’avais eu la chance de soigner le fils d’un chef bourakka, nommé Droumba, d’une blessure résultant d’un coup de sagaie qui l’avait traversé de part en part.

Ce jeune chef, qui avait succédé à son père, me donna des pagayeurs et m’accompagna lui-même. Je remontai la Kémo avec presque tout mon personnel, laissant la majeure partie du matériel à la garde d’un sergent-fourrier, nommé Sada N’dyiaie. Nous avions avec nous juste assez de charges pour nous passer des indigènes et faire une reconnaissance avec nos propres moyens. Nous atteignîmes, au bout de trois jours de navigation assez pénible, le village du chef Krouma indiqué par Dybowski et Maistre. Le premier de ces voyageurs y avait fondé un poste dont il ne restait nul vestige. Il était impossible de continuer