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ses serviteurs lui sont enlevés et remplacés par d’autres.

De Béhagle, hors de lui, se met à invectiver Rabah, qu’il traite de « chien, fils de chien, esclave ».

Il se calme néanmoins peu à peu et sa nouvelle attitude, faite de calme et de dédain, inspire à tous un respect mélangé de crainte. Rabah, redoutant les conséquences d’un assassinat, n’ose pas le faire tuer. Il quitte Dikoa pour envahir le Baguirmi, laissant son prisonnier à la garde de son fils Fad-el-Allah.

Le combat de Togbao a lieu. Rabah, qui croit s’être débarrassé des Français pour toujours, envoie à Fad-el-Allah l’ordre de mettre de Béhagle à mort.

Ce dernier reçoit la nouvelle très froidement. Il se lève du lit où il est couché et dit : « Je dois mourir, c’est bien, les Français ne craignent pas la mort : je suis prêt ; mais rappelle-toi que je serai vengé ».

Des esclaves viennent alors et le portent sur leurs épaules jusqu’au lieu du supplice, la place du marché, où une potence est dressée.

Pendant le funèbre trajet, notre compatriote, jusque-là silencieux, se retourne vers Fad-el-Allah et lui dit : « Je vais mourir et n’ai point peur. Quant à vous autres, rappelez-vous toutes mes paroles : dans quelques mois, vous serez ou morts ou fugitifs. »

Ces paroles prophétiques frappèrent tous les assistants de terreur, mais n’empêchèrent point le crime de s’accomplir. De Béhagle fut pendu à la potence où l’on exécutait les criminels. Son corps fut ensuite jeté dans un puits où malgré toutes mes recherches, il me fut impossible de le découvrir.

Quelques mois après seulement, j’appris que la dépouille mortelle de M. de Béhagle avait été jetée dans le puits voisin de la maison de Djebarrah, où j’ai ordonné de faire pratiquer des fouilles.

Je quittai Dikoa le 15 juin pour reprendre la route de Fort-Lamy.

Quel changement s’est opéré en quinze jours ! La pluie,