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qui circulent sur le fleuve. Nous sommes fréquemment secoués par ces pachydermes, qui, en se levant sous le chaland ou les boats, leur donnent d’énormes coups et même parfois les défoncent. Nous nous vengeons en tuant quelques-uns d’entre eux dont la viande fumée assure la subsistance de notre monde pour longtemps. Pendant dix-neuf jours, notre navigation se continue ainsi, fertile en échouages et en incidents de toute nature. Enfin, nous arrivons à Fort-Archambault.

Nous voilà donc réunis. Malheureusement les eaux complètement basses vont empêcher le Léon-Blot de naviguer. Nous ne pouvons faire circuler sur le fleuve que le grand chaland, les trois baleinières, deux embarcations en bois construites par nos propres moyens et les quelques pirogues que nous pourrons réunir. On y embarquera l’artillerie, les munitions et une partie des vivres. Quant aux tirailleurs, ils marcheront par la voie de terre, et les bagages et vivres de route nécessaires seront portés à dos d’homme.

Encore ce souci de porteurs qui intervient. Jusqu’ici en effet, nous n’avons pas encore pu nous procurer les bêtes de somme qui nous seraient nécessaires, le pays en étant complétement dépourvu.

Heureusement que le sultan Gaourang n’est pas loin. Il est installé à Sada, où Robillot l’a prié de séjourner, pour éviter une trop grande agglomération de monde au même endroit.

Je le préviens de mon arrivée. Il ne tarde pas à venir. J’avoue que je retrouve avec plaisir ce gros homme, tout content de lui. De son côté également, il manifeste sa joie de me revoir.

Je le fais entrer chez moi, où l’on a préparé un local pour le recevoir, et, tout en buvant du thé, il me raconte ses infortunes. Il rejette toute la responsabilité du massacre de Togbao sur le M’Baroma, celui de ses dignitaires qui gardait le défilé. « Ce M’Baroma est un misérable, me dit-il, tu l’as bien connu. Quand tu es venu au Baguirmi la première fois, il occupait les fonctions d’alifa-ba. Je lui avais conféré une dignité plus élevée et voilà ce qu’il m’a fait, il m’a trahi. Traître et lâche aussi, le Kadé