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maréchal des logis Papin. Le lieutenant Larrouy et le docteur Ascornet doivent rejoindre par la suite, dès qu’ils auront pu se procurer des embarcations. Le lieutenant Faure, qui, en attendant son monde, est occupé aux transports, les accompagnera, s’il est prêt à temps.

Le Gribingui est presque à sec. À chaque instant nous rencontrons des cailloux ou des bancs de sable qui nous arrêtent. Le gros chaland, chargé de trois cent cinquante colis de trente kilos et d’un personnel nombreux, avance avec la plus grande difficulté. Jamais je n’ai vu les eaux aussi basses. À tout moment, on est obligé de mettre les hommes à l’eau pour déséchouer ce maudit bateau… Ce sont alors des cris, des vociférations poussés par nos hommes qui s’excitent à traîner cette énorme masse. Les journées se passent et nous avançons à peine. À ce train-là, nous allons mettre une éternité pour atteindre Fort-Archambault.

Un mauvais passage est à peine franchi qu’on en retrouve un autre. Jusque là je n’avais noté que cinq ou six rapides sur le Gribingui. Nous en avons déjà rencontré une douzaine et encore sommes-nous au début. Quelle corvée longue et ingrate ! Hunoust, Martin et moi, nous nous remplaçons à tour de rôle, pour hurler les « Attention… ferme… enlevez » ! qui donnent du cœur aux hommes. Les malheureux sont fourbus et nous avons des extinctions de voix. Mais nous prenons notre mal en patience et au bout d’un certain temps nous finissons par nous habituera ce mode de locomotion.

Quand nous rencontrons des biefs, où nous pouvons marcher pendant quelques kilomètres, nous sommes fort heureux. Si nous n’étions pas aussi pressés, cette descente de la rivière ne serait cependant pas sans charme. Les bancs de sable, complètement découverts, sont littéralement garnis d’oiseaux de toute espèce, pélicans, grues, courlis, canards, oies, aigrettes, etc. C’est un fourmillement ininterrompu, un bruit d’ailes incessant. Que de joies sont réservées aux spécialistes qui, plus tard, viendront étudier la faune de ce pays !