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Il doit évidemment avoir quelque chose à se reprocher, car nous ne le voyons pas paraître. Ah ! oui, il a quelque chose à se reprocher ; mais nous ne l’apprîmes que plus tard.

C’est lui qui a achevé l’interprète Hassen lors du combat de Togbao. Le malheureux, blessé, avait pu réussir à se dissimuler derrière les rochers ; mais cela ne lui servit de rien. Les Nyellim l’ayant trouvé le tuèrent froidement.

La nuit se faisait épaisse ; les silhouettes des montagnes apparaissaient plus noires ; on aurait dit des amas de roches amoncelées pêle-mêle par des géants. Le lieu semblait sinistre. Assis à côté des feux, tous réunis, nous devisons du passé et nous faisons nos projets pour le combat que nous pensons devoir être livré le lendemain.

Le capitaine Robillot, qui a le commandement des troupes, convient avec moi des signaux à faire entre lui et la flottille dont, pour la circonstance, j’ai pris le commandement ; après quoi nous dînons. On vide même les deux dernières bouteilles de champagne et l’on s’endort…

Le lendemain dès l’aube, tout le monde est debout. Robillot fait changer l’ordre de marche des jours précédents, car, d’après les indications de Samba Sall, dans trois ou quatre heures nous serons à Kouno.

Trois ou quatre heures : on voit bien vite qu’elles seront dépassées et de beaucoup. Il est vrai qu’on ne suit pas la route frayée, mais qu’on longe la rive, ce qui augmente énormément la longueur et les difficultés du trajet. Bref, c’est encore une journée éreintante. À quatre heures du soir seulement, nous nous rejoignons. La colonne est arrêtée par une rivière. Elle la traverse grâce au chaland et elle campe de l’autre côté. Seules deux pirogues apparaissent sur le fleuve et s’enfuient aussitôt.

Nous passons la nuit le plus tranquillement du monde sans être dérangés… et, chose extraordinaire, nous étions à peine à quelques kilomètres de Kouno.

À six heures, on se remet en route. Une pointe de terre nous empêche de distinguer la ville. On accoste le vapeur et les trois