C’est le 2 août 1899, on l’a vu, que je reçus ces graves nouvelles. J’appelai aussitôt le capitaine Robillot, commandant des troupes. Je lui donnai l’ordre de prévenir de Cointet et de Lamothe pour les faire rallier d’urgence Gribingui. Quant à nous, nous allions partir dès le lendemain matin. « Le Léon-Blot n’est pas terminé », dit de Mostuejouls. Cela ne fait rien, on continuera ses réparations en chemin. Vite on embarque des munitions, des canons, toute la compagnie Jullien, forte de cent trente hommes, et le 3 août, nous voilà en marche.
Trois jours encore, on dut travailler au vapeur qu’on faisait avancer péniblement à la perche ; le quatrième enfin il était prêt. En route à toute vapeur ! Mais les eaux sont exceptionnellement basses ; on navigue avec la plus grande difficulté ; le chaland, remorqué avec quatre-vingt-dix hommes à bord, nous retarde beaucoup. Puis ce sont les rapides où nous perdons un temps précieux, puis le manque de vivres ; on perd une demi-journée pour faire boucaner la viande d’hippopotames que nous avons tués.
Enfin, le 14 août, nous sommes sur le Chari. À mesure que nous avançons, une angoisse profonde me saisit. Aucun courrier, aucune nouvelle. Que s’est-il passé ? Les Kaba-Bodos, chez les quels nous nous approvisionnons, ne peuvent ou ne veulent nous renseigner. Le 15 dans l’après-midi, nous trouvons un chef indigène, nommé Cada-Beri, qui nous accoste. Nous l’entourons et anxieusement lui demandons des nouvelles. Il doit savoir, lui ! Il habite près du village de Gaoura, que Bretonnet indique au capitaine Jullien comme le point où il trouvera des nouvelles.
Non, lui non plus ne connaît pas grand’chose ! Il a seulement entendu dire que Rabah et les blancs ont combattu. Il y a eu trois attaques ; dans deux, les blancs ont vaincu, mais à la troisième ils ont perdu beaucoup de monde ; il y a beaucoup de tués de part et d’autre.
On ne put tirer de lui davantage. Mais ce qu’il avait dit ainsi me suffisait, hélas ! Aussitôt je pensai, à part moi, que c’en était fait des nôtres. Il y avait eu bataille, cela n’était pas douteux. Si