sions françaises, la vôtre, celle de Foureau et celle du capitaine Joalland, remplaçant le colonel Klobb, venues de trois points éloignés se rencontraient à Koussouri, tout près du lac Tchad. Dans cette région, un nègre intelligent et résolu s’était créé un empire où il régnait par la terreur. Sentant votre force, profitant de la circonstance unique qui plaçait sous vos ordres trois petits corps d’armée, le personnel le plus considérable qu’un Français eut pu réunir jusqu’ici si loin de la France, vous avez décidé l’attaque et détruit du même coup la puissance de Rabah, le plus redoutable adversaire de l’influence française, l’homme qui sur un vaste espace empêchait les indigènes de se rallier à nous en les intimidant.
Rabah vaincu et tué, que de conséquences pour l’avenir de notre colonie ! D’abord la pacification absolue, la fin de toute résistance et, ce qui n’est pas moins précieux, la facilité que nous éprouvons dans un pays déjà discipliné à substituer une autorité humaine aux procédés barbares d’un conquérant sans humanité. Après les pillages, les razzias d’esclaves, les massacres, nous apparaissons comme des bienfaiteurs. L’impôt que nous percevons semble une charge légère en comparaison des exactions et des brutalités antérieures.
Nous vous devons, Monsieur, cet heureux résultat, le développement pacifique d’une grande colonie. Mais nous vous devons beaucoup plus encore dans l’ordre moral. Vous nous réconciliez avec la destinée, vous relevez les courages, vous entretenez les saintes espérances. Il ne faut pas nous le dissimuler. Ce noble pays souffre d’un mal latent dont il n’a pas toujours conscience, qui pèse sur lui-même à son insu. La guerre de 1870 lui a infligé la plus douloureuse des épreuves. Bercé pendant soixante-quinze ans, de Valmy à Solférino, par des bulletins de victoires, il ne voit plus