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courait recevoir la couronne de justice. Arrivé au prétoire, comme le proconsul ne paraissait pas encore, on permit à Cyprien de se retirer à l’écart. Il s’assit sur un siége couvert d’un linge qui par hasard se trouvait là ; les honneurs de l’épiscopat le suivaient jusqu’à ses derniers moments[1]. Là, comme il était inondé de sueur à cause du chemin qu’il avait parcouru, un soldat, chrétien autrefois, lui proposa d’échanger contre ses propres vêtements qui étaient secs, les siens qui étaient tout en eau. L’homme généreux ne songeait, dans cette offre, qu’à recueillir les sueurs sanglantes d’un martyr sur le point de s’envoler vers son Dieu. Le pontife s’en excusa : « Inutile remède pour des maux qui finiront aujourd’hui, » fut toute sa réponse. Pour qui méprisait la mort, il n’était pas difficile de se montrer supérieur à la fatigue. Poursuivons : le proconsul a paru ; on annonce Cyprien ; on l’introduit, on le place devant le tribunal ; on l’interroge, il décline son nom ; puis, trêve de paroles.

17. Le juge lut la sentence inscrite sur les tablettes, cette même sentence qui n’avait pas été prononcée dans le songe ; sentence précieuse, qui ne devait pas être promulguée avant le congé de la Providence, digne d’un tel évêque, d’un si illustre témoin de Jésus-Christ ! sentence glorieuse, où il est appelé le porte-étendard de la secte, l’ennemi des dieux ; où il est écrit que sa mort sera pour les siens un haut enseignement, et que la sanction de la loi commencera par son sang ? Rien de plus vrai que ces paroles ; quoique parties d’une bouche infidèle, Dieu même les inspirait. Faut-il s’en étonner ? Caïphe, dans l’Évangile, en sa qualité de pontife, n’a-t-il pas prophétisé le trépas du juste ? Oui, Cyprien était un porte-étendard, car il nous apprenait à arborer le drapeau de Jésus-Christ ; un ennemi des dieux, car il renversait leurs idoles. Il fut pour les siens une leçon ; car, entré dans une carrière où il doit avoir une

  1. La chaire où siégeaient les évêques était recouverte d’une toile fine. Transit honor hujus seculi, transit ambitio. In futuro Christi judicio nec absidiæ gradatæ, nec cathedræ velatæ. (Saint Augustin, épître 203.)