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II
TABLEAU HISTORIQUE

Les deux fils de Sévère, proclamés empereurs par l’armée, donnèrent au monde le spectacle de leur haine. Craignant le poison ou l’épée, ils parcoururent la Gaule et l’Italie, ne mangeant jamais à la même table, ne dormant jamais sous le même toit. Arrivés à Rome, ils se partagèrent le palais impérial. Il faut lire dans Hérodien les détails des précautions qu’ils prenaient l’un contre l’autre. Géta demeurait sur le Janicule, Caracalla sur le mont Esquilin, tous deux séparés ainsi par plusieurs milles. Les communications étaient fermées ; les portes, les passages étaient fortifiés, des sentinelles se relevaient comme dans une ville assiégée, et les deux frères ne paraissaient en public qu’avec une troupe nombreuse et toujours armée. Ils songèrent d’abord à partager l’empire ; mais Caracalla avait d’autres projets. Il sembla vouloir se réconcilier avec son frère dans une entrevue chez sa mère, et il fit cacher des centurions qui tuèrent Géta dans les bras de l’impératrice, blessée elle-même à la main et couverte du sang de son fils. Après ce crime, Caracalla courut se prosterner aux pieds des statues des dieux tutélaires, et plus tard il consacra dans le temple de Sérapis l’épée avec laquelle il se vantait d’avoir tué son frère. Ce monstre fit distribuer aux soldats dont Géta était le favori les immenses trésors de son père. Le sénat, qui depuis longtemps suivait toujours la fortune, embrassa le parti de l’armée, et Caracalla plaça Géta au rang des dieux en disant : Sit divus dùm non sit vivus. Pour s’étourdir, parce que son père et Géta se présentaient sans cesse à son imagination troublée, il fit tuer vingt mille personnes de l’un et de l’autre sexe, toutes dévouées à Géta. Dans ce nombre se trouvèrent Helvius Pertinax, Thraséas Priscus, et le fameux jurisconsulte Papinien, qui n’avait pas voulu faire l’apologie du meurtre de Géta et qui avait refusé d’obéir en disant : « Il est plus aisé de commettre un fratricide que de le justifier. »

Caracalla, dit un historien, déclara la guerre à l’univers entier. Une année environ après la mort de Géta, il quitta Rome, et jamais il n’y rentra depuis. Il passa le reste de son règne dans les différentes provinces de l’empire, principalement en Orient. Chaque contrée devint tour-à-tour le théâtre de ses dilapidations et de ses cruautés. Les Sénateurs que la crainte en-