sacrifice de la noble victime fut différé jusqu’au 4 de mars suivant. Ce jour-là, Lucius reçut la couronne du martyre sous les yeux de l’assemblée chrétienne.
Quoique le paganisme, à la résurrection des barbaries impériales, se fût livré au même déchaînement contre Cyprien, le vertueux pontife ne voulut point s’éloigner comme il l’avait fait quelques années auparavant ; et, chose étrange ! il ne fut ni proscrit, ni arrêté. Des adolescents, de jeunes vierges, des prêtres, des coupables, noblement réhabilités, donnèrent à Jésus-Christ le témoignage du sang ; ou si tous ne périrent pas, tous voulurent acheter l’éternité par la gloire du martyre.
Pendant que l’idolâtrie en démence se précipitait sur les adorateurs du vrai Dieu, une contagion terrible, née dans l’Éthiopie, où elle s’échauffa de tous les poisons d’un ciel ardent, parcourut successivement l’Égypte, l’Asie mineure, le Pont, la Grèce, l’Italie, les Gaules. Faible d’abord à son origine, qui correspond à l’avènement de Dèce, quelquefois assoupie, jamais éteinte, elle dévora l’empire pendant dix-huit ans. L’Afrique n’en fut pas plus exempte que les autres provinces ; elle y emporta des familles tout entières. Cyprien décrit ainsi dans son Discours sur la mortalité les accidents qui précédaient ou accompagnaient le mal. « Une dyssenterie cruelle amenait la prostration des forces ; un feu brûlant circulait dans les veines, pénétrait jusqu’à la moëlle des os, ulcérait la gorge ainsi que les organes de la respiration. Des vomissements convulsifs ébranlaient les entrailles, l’œil se chargeait d’un sang embrasé. Chez quelques-uns, les pieds, les mains, attaqués par une gangrène impure, tombaient en putréfaction ; chez d’autres, l’activité du poison communiquait à tout le corps une langueur accablante à laquelle le malade n’échappait que par la perte de la vue et de l’ouïe, et par l’affaissement de toutes ses facultés. » Carthage, tout-à-l’heure si ardente dans ses plaisirs, si bruyante dans ses joies, est sombre et silencieuse