ves, confondu avec la foule obscure des catéchumènes, il fut admis au baptême, vers l’an 245 ou 246. Il le reçut de la main de Cecilius. Dès ce moment, courant à grands pas dans la carrière de la perfection, il vendit tous ses biens, et jusqu’à des jardins qu’il possédait aux portes de Carthage, afin d’en distribuer le prix aux pauvres et de se faire pauvre lui-même sur les traces de celui qui avait ennobli et sanctifié l’indigence.
Le néophyte avait irrité le paganisme en désertant l’ombre pour la réalité. Il venait d’offrir à sa haine un nouvel aliment dans quelques pages brillantes, la Vanité des Idoles, et sa Lettre à Donat, sorte d’expiation religieuse où, d’une part, il démontrait le néant de ces divinités mensongères dont les passions de l’homme avaient peuplé le ciel, et où, de l’autre, il mettait à nu toutes les misères et toutes les corruptions du siècle. Il avait dit au polythéisme son dernier mot. Le polythéisme se souleva contre celui qui, non content de répudier ses chimères, démasquait ses vices d’une main si ferme. Alors, par une de ces contradictions trop communes à l’esprit humain, il insulta au talent qu’il applaudissait tout-à-l’heure. Empruntant à la langue grecque une misérable équivoque, il n’appela désormais Cyprien que d’un mot grossier[1], comme si, dans le Christianisme, le professeur de rhétorique et l’orateur dont il était fier n’eût plus été qu’un génie en démence, éteignant dans la fange les rayons de ses lumières.
Mais, qu’importaient à Cyprien la diffamation et la violence ? Le bruit de ces injures expirait au pied de la solitude pénitente où il expiait les erreurs de sa vie passée. Il avait beau se cacher, le parfum de ses vertus le trahit promptement. Les fidèles, secrètement inspirés par la Providence, demandèrent instamment que Cyprien fût promu au sacerdoce. Les vœux de l’assemblée chrétienne furent écoutés. Il n’y avait pas encore un an qu’il avait
- ↑ Kopros, ordure, fumier.