et à l’orgueil qui trop souvent accompagne le savoir, il paraît qu’il lui en coûta beaucoup pour abaisser une raison hautaine devant la folie de la croix. Cette philosophie vaniteuse, qui s’imaginait pouvoir embrasser le monde moral dans ses spéculations et posséder le mot d’une énigme, insoluble pour elle, était déconcertée quand on lui parlait d’une dégradation primitive et d’une renaissance spirituelle au baptême. À l’intelligence humiliée se joignaient les passions en révolte. La religion nouvelle immolait dans le cœur de l’homme les affections déréglées ; pas un désir coupable, pas une espérance mauvaise qu’elle ne réprimât. La vieille morale païenne, au contraire, tout en fermant la porte au vice lorsqu’elle était le plus sévère, lui ménageait toujours une avenue secrète par laquelle il pût s’introduire dans l’âme, ou du moins y entretenir des intelligences. Cyprien, après avoir écarté le double obstacle qui l’arrêtait, obstacle du côté du cœur, obstacle du côté de la raison, proclame éloquemment, dans sa lettre à Donat, la misère de ses irrésolutions et le triomphe de la miséricorde. Ces deux naufragés du paganisme pouvaient se comprendre : ils venaient d’aborder l’un et l’autre aux rivages hospitaliers du Christianisme.
Il y avait alors à Carthage un prêtre vénérable par son âge et sa dignité : il se nommait Cécilius. Peut-être est-il le même que ce Cécilius, qui, après avoir combattu la vérité dans le dialogue apologétique de Minucius Félix, la reconnaît et l’embrasse à la fin. Toujours est-il que Cécilius fut l’instrument dont Dieu se servit pour conduire Cyprien dans la barque du pêcheur. Le néophyte conserva toujours pour le vieillard le respect le plus profond, la tendresse la plus affectueuse, la docilité la plus soumise. Il le regardait, non pas seulement comme un ami, non pas seulement comme un autre lui-même, mais comme un père bien-aimé qui l’avait engendré à une seconde vie, mille fois plus précieuse que la première. Dans la ferveur de sa reconnaissance, il joignit à son nom le nom de son bienfaiteur, et se fit appeler dé-