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VIE DE SAINT CYPRIEN.

de grands embarras aux évêques de ces contrées, et entretenaient l’activité de leur zèle. Le sang numide n’était pas encore vaincu ; il fallait que le bois mystérieux de la croix reposât quelque temps dans les eaux de Marrha, pour en adoucir la brûlante âcreté.

Tel est le double peuple au milieu duquel naquit, au commencement du troisième siècle, Thascius-Cécilius-Cyprianus. Prudence et Suidas veulent qu’il ait reçu le jour à Carthage même. Ponce, son biographe, ne le dit pas. Le saint évêque lui-même a gardé le silence là-dessus, ou, pour mieux dire, il a laissé le fait douteux par la manière dont il s’est exprimé. Il est certain, du moins, que sa famille tenait dans la province un rang considérable. Les soins donnés à son éducation, les heureuses dispositions qui ne tardèrent point à se développer en lui, des espérances de fortune et de gloire, dirigèrent ses premiers pas vers le barreau. Dans la décadence de l’Empire, comme aux jours de ses prospérités, l’éloquence conduisait aux honneurs et aux charges publiques. Ses talents ne tardèrent point à attirer sur lui les regards de ses concitoyens. Ils voulurent l’avoir pour professeur de rhétorique, fonction qui était alors une dignité autant qu’un emploi.

Nous ne savons rien de cette première partie de la vie de Cyprien. Après leur vocation à la foi, ces hommes primitifs n’avaient plus qu’une pensée, qu’un intérêt, qu’une patrie, et rien de tout cela n’appartenait à la terre. Ce qu’ils avaient fait jusque là, ils le condamnaient à l’oubli ou aux larmes, parce que, selon le panégyriste et l’ami de l’illustre docteur, la vie réelle ne commence pour l’homme qu’au moment où il est enfanté à Dieu.

Avec des maximes et des exemples tels qu’en donnait le paganisme, les vertus ne pouvaient être que des vices déguisés, et les vices que des actes de religion. Cyprien était né au sein de l’idolâtrie ; il en adopta bientôt les mœurs ; il but donc largement, comme les autres, à la coupe empoisonnée, ainsi que le témoignent les aveux de son humilité. Livré à des méditations savantes