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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

-vingts ans. Or, depuis cette époque jusqu’au consulat de Caïus Domitien et de Cassianus, il s’est écoulé cent-vingt ans. Éphore et beaucoup d’autres historiens disent qu’il y a soixante-quinze nations et soixante-quinze idiomes. Ils connaissaient sans doute ces paroles de Moïse : « Toutes les personnes de la maison de Jacob qui entrèrent en Égypte, étaient au nombre de soixante-quinze. » Mais ce qui est plus conforme à la vérité, c’est qu’on trouve que les dialectes primitifs sont au nombre de soixante-douze, comme nos saintes Écritures nous l’apprennent. Tous les autres dialectes se forment du mélange de deux ou trois dialectes primitifs, ou d’un plus grand nombre. Un dialecte est un mode de langage qui caractérise une localité, ou le génie d’un peuple particulier. Les Grecs disent qu’ils ont cinq dialectes : l’attique, le dorien, l’ionien, l’éolien et le dialecte commun ; et que les idiomes des barbares étant innombrables, on ne les appelle pas dialectes, mais langues. Platon attribue aussi aux dieux un certain dialecte. C’est surtout dans les songes et dans les oracles qu’il puise cette conjecture ; les démoniaques la lui fournissent aussi, eux qui ne parlent ni avec leur propre voix ni avec leur propre dialecte, mais avec la voix et le dialecte des démons, qui se sont furtivement introduits en eux. Il pense que les animaux même ont des dialectes particuliers, qui sont compris par tous les individus d’une même espèce. C’est ainsi que lorsqu’un éléphant tombe dans un marécage, et qu’il pousse des cris, quelqu’autre éléphant survient, et voyant ce qui est arrivé, rebrousse chemin, et ramène peu après une troupe d’éléphants avec le secours desquels il dégage celui qui s’était embourbé. On dit que dans la Lybie, quand un scorpion voit un homme qu’il ne peut atteindre avec son dard, il s’éloigne et revient avec d’autres scorpions, et que s’attachant l’un à l’autre en forme de chaîne, ils réussissent de la sorte dans les embûches qu’ils tendent. Les brutes, pour s’exprimer, ne se servent pas de gestes équivoques, ni du jeu de la physionomie, mais selon moi, d’un dialecte qui leur est propre. Il est encore des naturalistes qui disent que, si la ligne d’un pécheur vient à se rompre au moment où il enlève un