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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

l’appelons cause seconde et coopérante. C’est une cause à raison de l’union avec une autre cause, mais sans efficacité pour produire par soi-même un effet. Bien que par elle-même la philosophie aussi justifiât quelquefois les Grecs, elle ne leur procurait pas une justification pleine et générale, mais elle y contribuait, elle y conduisait, comme l’escalier sert de route pour monter au dernier étage d’une maison. Elle était utile, comme la grammaire, à celui qui veut se livrer à la philosophie ; non pas que, faute de celle-ci, quelque chose manque au Verbe universel, ou que la vérité soit détruite ; car, et la vue, et l’ouïe, et la voix, sont utiles aussi pour atteindre à la vérité ; il n’en est pas moins vrai que c’est l’intelligence qui, par un privilége de sa nature, connaît la vérité. Mais les causes auxiliaires sont plus ou moins efficaces. La clarté du style nous aide à transmettre la doctrine de la vérité ; la dialectique, à repousser victorieusement les attaques des hérésies ; mais la doctrine du Sauveur étant la puissance et la sagesse de Dieu, produit complètement son effet par sa seule vertu, et n’a besoin d’aucun autre secours. Si l’on joint la philosophie à la vérité, celle-ci n’en devient pas plus efficace ; mais, comme la philosophie rend impuissantes les attaques des sophistes, comme elle écarte les pièges trompeurs que l’on tend à la vérité, on l’a nommée la haie et le mur qui entourent la vigne. Cette vérité, que la foi nous fait comprendre, est nécessaire à la vie de l’âme, comme le pain à la vie du corps ; quant aux études préparatoires, elles sont semblables aux mets que l’on mange avec le pain, et à ceux qui composent le dessert. « À la fin du repas, dit Pindare de Thèbes, le dessert est chose agréable. » L’Écriture dit formellement : « Le simple deviendra prudent s’il m’écoute, et le sage recevra la connaissance. Qui parle de soi-même, dit le Seigneur, cherche sa propre gloire ; mais qui cherche la gloire de celui qui l’a envoyé, celui-là est vrai, et il n’y a point d’injustice en lui. » On est donc injuste quand on s’approprie les dogmes de la philosophie barbare, et qu’on s’en glorifie comme d’un bien personnel ; quand on cherche à augmenter sa propre gloire et qu’on se pare des dépouilles de la vérité.