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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

sans crime, de poste que lui assigna son général : soldats du Christ, nous devons garder non moins fidèlement le poste où nous plaça le Verbe que nous avons reçu pour chef de la connaissance et de la vie. Mais le vulgaire marche à l’aventure sans même se demander s’il est besoin d’un chef, quel il doit être, et comment il faut suivre ses chapeaux. Il convient, en effet, au fidèle de modeler sa vie sur le Verbe, afin de pouvoir suivre le Dieu qui, dès l’origine, conduit toutes choses avec sagesse. Mais, après avoir prévariqué contre le Verbe, et par lui contre Dieu, quelque infortuné vient-il à s’affaiblir par l’apparition soudaine de quelque opinion chimérique, qu’il travaille à placer sous sa main les arguments de la raison et de la vérité. Si, déjà vaincu par une habitude qui a prévalu, il est devenu, selon le langage de l’Écriture[1] un homme de la multitude, il faut qu’il veille à détruire en lui le germe funeste, et qu’il exerce son âme à résister aux entraînements de l’habitude. Que s’il semble absorber quelques dogmes ennemis et qui se combattent, à lui de les écarter soigneusement, et de recourir à ceux qui, habiles à pacifier les dogmes tumultueux, et à enchanter, par les divines Écritures, les natures sauvages et grossières, rendent la vérité sensible par l’accord des deux Testaments. Mais telle est la nature de l’homme. Il incline plus volontiers l’oreille aux choses de l’opinion, quelque contradictoires qu’elles puissent être, qu’à la vérité elle-même, parce que la vérité est grave et austère. Trois affections diverses se disputent notre âme, l’ignorance, l’opinion, la science. L’ignorance est le partage des nations ; la science appartient à l’Église ; l’opinion, aux disciples de l’hérésie. Ces hommes qui prennent l’opinion pour guide, n’affirment aucune de leurs inventions avec plus d’évidence que ne le font les hommes de la science, puisqu’ils se contentent d’affirmer sans produire de démonstration. Aussi quel mépris ils affichent les uns pour les autres ! comme ils se poursuivent de leurs railleries mutuelles ! comme le sentiment, admiré par celui-ci, est tenu par celui-là pour le plus insigne des

  1. Apocryphe.