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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

d’amener la foi à croire ce qu’elle ne croit pas encore. C’est là, pour ainsi dire, l’essence de la démonstration.

Mais les oreilles de l’hérésie, fermées, dès l’origine, à tout ce qui est utile, ce me semble, ne s’ouvrent qu’aux paroles agréables et flatteuses. Sans quoi le sectaire reviendrait de son égarement, s’il voulait simplement obéir à la vérité. Or, l’amour propre, comme en général toute passion, se guérit par trois moyens : d’abord connaître le principe mauvais ; secondement savoir par quel remède il faut le combattre ; en troisième lieu, exercer son âme et s’accoutumer â suivre les jugements de la saine raison. Pareille à l’œil malade dont le regard s’altère, l’âme, que troublent toutes ces opinions opposées à la nature, ne peut plus distinguer dans leur plénitude les rayons de la vérité. Les objets les plus voisins de ses yeux se confondent. Voilà pourquoi le pécheur lui aussi commence par troubler l’eau, afin de mieux prendre les anguilles après leur avoir dérobé la vue[1]. De même que des disciples pervers chassent le maître, les sectaires éloignent de leurs Églises les prophéties, toujours suspectes à leurs yeux, parce qu’ils en craignent les réprimandes et les avertissements. Aussi que de laborieux commentaires ! que de mensonges ajustés les uns aux autres pour justifier l’exclusion qu’ils donnent aux Écritures ! Vous êtes des impies, pouvons-nous leur dire, puisque vous n’obtempérez pas aux préceptes divins, c’est-à-dire, au Saint-Esprit. On appelle vides, non pas seulement les amandes qui ne renferment pas de fruits, mais encore celles qui ne renferment qu’une pulpe inutile. Par une dénomination semblable, nous disons qu’ils sont vides de la volonté de Dieu, vides des traditions du Christ, les hérétiques qui, non moins amers que l’amande sauvage, se constituent les chefs de leurs propres dogmes, à moins que, grâce à l’évidence de la vérité, ils n’aient été contraints d’en garder quelques-uns qu’ils n’ont pu ni déposer ni soustraire.

Sur un champ de bataille, le soldat ne peut abandonner,

  1. Voyez Aristote, Hist. Nat., liv. VIII, ch. ii.