Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 5.djvu/655

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
651
SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

moins de vigueur contre l’âme corporelle[1], en soumettant au frein l’esprit rebelle et irraisonnable, parce que « la chair s’élève contre l’esprit. » Porter le signe, c’est promener avec soi-même de vivantes funérailles, de telle sorte que dans ce corps terrestre on renonce à tout ce qui existe, parce que la tendresse est inégale dans celui qui a semé la chair[2] et dans celui qui a créé l’âme pour la destination de la science. Notre Gnostique est donc parvenu à la constante habitude de la bienfaisance. Conséquemment il répand le bienfait plus rapidement que la parole, en demandant au ciel de décharger ses frères d’une partie de leurs péchés pour les transporter sur lui-même, afin d’aider à leur confession et à leur conversion, toujours prêt à communiquer à ses plus chers amis les biens qui lui appartiennent. Par là même ils lui rendent amour pour amour. Travaillant toujours à développer en lui, par cette divine agriculture qu’a recommandée le Seigneur, les semences de salut qui sont déposées dans sa personne, il demeure exempt de la plus légère souillure, homme de privations et de continence. Vos yeux l’apperçoivent encore sur cette terre, où le retient la prison de la chair ; mais ce n’est plus véritablement qu’un esprit vivant au milieu du chœur des saints, auxquels il ressemble. Comme il exécute en paroles ou en actions, pendant toute la durée du jour et de la nuit, les ordres du Seigneur, l’allégresse qui le transporte est inexprimable, non-seulement le matin lorsqu’il se lève, non-seulement quand le soleil est à son midi, mais lorsqu’il se promène, lorsqu’il dort, lorsqu’il dépose ou reprend ses vêtements, lorsqu’il enseigne son fils, si un fils lui est né ; toujours inviolablement uni aux commandements et à l’espérance, toujours l’action de grâces sur les lèvres, comme ces animaux

  1. Il ne faut pas croire que saint Clément, à la manière de Tertullien, donne un corps à l’âme. Il désigne ici l’âme sentante, qu’il appelle ailleurs le principe irraisonnable, en opposition avec le principe spirituel. Cette expression répond à la locution qui est familière à Platon et à nous-mêmes : les parties inférieures de l’âme.
  2. Galates, VI, viii.