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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

qui, par la seconde création[1] des élus, par la conformité des mœurs, par l’essence des œuvres, pensent, parlent, agissent avec une sainteté qui leur est commune et dans laquelle Dieu veut qu’ils se rencontrent parce qu’ils sont élus. La foi consiste à embrasser les mêmes dogmes, la connaissance à apprendre et à sentir les mêmes doctrines, l’espérance à exécuter les mêmes œuvres. Que si les nécessités de la vie et l’aliment du corps emportent une légère partie de son temps, il regarde tout embarras qui l’arrache à lui-même comme une espèce de banqueroute dont il est la victime. De là vient que jusqu’à ses songes, tout chez lui convient à l’élu. En effet, il est absolument étranger et voyageur pendant le cours de sa vie, l’habitant de la cité qui regarde avec un œil d’indifférence tout ce qui dans la cité, captive l’admiration des autres, et qui vit au milieu de l’État comme dans une solitude, afin de prouver que sa justice est l’effet de sa volonté bien plus que de la contrainte imposée par les lois.

Un Gnostique de ce caractère, pour le dire en un mot, dédommage le monde de l’absence des apôtres en vivant avec droiture, en connaissant avec exactitude, en aidant ses proches, en transportant les montagnes de ses voisins, et en comblant les vallées de leur âme. Mais que dis-je ? chacun de nous est à soi-même sa vigne et son ouvrier. Quelque bien que fasse le disciple de la science, il cherche toujours à le dérober aux hommes, content d’avoir le Seigneur et sa propre conscience pour témoins de sa fidélité aux préceptes, et attaché à la vertu par les révélations de la foi. « Car là où est votre trésor, est-il dit, là est aussi votre cœur. » Il s’abaisse lui-même par la perfection de la charité, afin de ne pas mépriser son frère tombé dans la tribulation, s’il venait à connaître qu’il supporterait le dénûment avec plus de courage que son frère. Du moins regarde-t-il sa douleur comme sa propre douleur ; et si, en prenant sur sa propre indigence pour le secourir, il se met

  1. L’auteur appelle ici l’élection que nous recevons par la grâce divine une seconde création qu’il oppose à la création du monde sensible.