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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

De là vient qu’il impose à toute sa vie le jeûne de l’avarice, et de la volupté, principes féconds de tous les vices. En effet, nous avons déjà distingué avec l’apôtre trois espèces de fornication, la volupté, l’avarice, l’idolâtrie. Il s’abstient donc, par un jeûne d’une nature plus relevée, et des œuvres mauvaises que défend la loi mosaïque[1] et des pensées coupables que défend la perfection de l’Évangile : s’il lui survient des tentations, elles n’ont pas pour but de le corriger, nous l’avons dit, mais d’être utiles à ceux qui l’approchent, afin que sa constance à vaincre la douleur et la tribulation leur serve de modèle. J’en dis autant de la volupté. Il faut un grand effort de l’âme pour s’abstenir de ses joies après en avoir essayé. Quel triomphe, en effet, que la tempérance dans ce que l’on ne connaît pas ! Mais le Gnostique qui exécute le précepte de l’Évangile, observe le jour du Seigneur, quand il dépouille les mauvaises pensées du cœur pour recevoir celles qui viennent de la connaissance, en glorifiant la résurrection du Seigneur, qui réside en lui-même. Il y a mieux. Dès que, par la compréhension, il est investi de la contemplation scientifique, il s’imagine voir le Seigneur parce qu’il attache ses regards sur le monde invisible[2]. Lui semble-t-il qu’il voit ce qu’il ne voudrait pas voir, il réprime la faculté intuitive aussitôt qu’il sent le plaisir naître de l’élan et de l’application de ses regards. Il ne veut voir et entendre que ce qui lui est convenable. N’envisageant rien au delà de l’âme de ses frères, il contemple la beauté de la chair dans l’âme elle-même, qui a coutume de considérer le bien, dégagé de tout plaisir charnel. Les frères véritables sont ceux

  1. Les Juifs pensaient que la loi mosaïque défendait uniquement l’acte extérieur ; que telle fût l’opinion des Pharisiens, l’Évangile le déclare suffisamment. Ailleurs nous voyons Josèphe reprocher à Polybe d’avoir avancé qu’Antiochus était puni pour un sacrilège demeuré à l’état de simple pensée. « Car, dit l’historien, un dessein resté sans exécution ne méritait pas de châtiment. »
  2. Nous avons lu avec plusieurs commentateurs aorata au lieu de orata.